jeudi 19 septembre 2013

TZR

Suite à l'article paru dans Rue 89 de cette prof remplaçante :
j'ai subitement eu envie de reprendre ma plume pour apporter ma pierre à l'édifice. 

Parfois je me demande comment serait ma vie si j'avais choisi un autre métier... Vivrais-je dans une ville que j'apprécie, pas trop loin de mes amis de ma famille? Serais-je plus épanouie, plus heureuse? Quand on aime son métier, ce sont des questions que l'on ne se pose pas, or s'il existe bien une contradiction ici c'est que j'aime mon métier. Quand je l'exerce dans de bonnes conditions, je m'y sens bien, à ma place et je sais que je n'étais faite pour exercer aucune autre activité.
Depuis quelques temps pourtant je regrette d'avoir choisi cette voie et pourtant cela ne fait que 4 ans !
Si quelqu'un de mon entourage songeait à embrasser une carrière dans l'Educ Nat' je tenterais par tous les moyens de l'en dissuader. Car au fond le problème ce n'est pas tant le métier d'enseignant (quoique certains aspects le rendent parfois difficile) mais plutôt "l'entreprise" qui le régit.
Aujourd'hui nous sommes le 19 septembre et je n'ai pas mis les pieds dans une classe depuis le 5 juillet et pourtant me direz vous, cela fait 3 semaines que la rentrée est passée. 
Le fait est que je suis TZR sur une zone qui n'en a pas besoin cette année alors j'attends, la boule au ventre, de savoir dans quel établissement un ou une prof va prendre un congé maladie/maternité. J'attends de savoir si le remplacement sera court (et l'horreur de la situation qui va suivre) ou plus long. J'attends de savoir si j'aurais 2, 3 ou 4 niveaux. J'attends de savoir si j'ai déjà travaillé dans ce lieu avec les manuels utilisés, si j'ai déjà quelques cours de prêts ou si je dois tout recommencer. J'attends de savoir si j'aurais de nouveau des SEGPAS. 
Oh rassurez vous, en attendant, mon établissement de rattachement, m'a trouvée quelques heures de soutien par ci par là, avec des élèves que je pourrais quitter du jour au lendemain, avec lesquels je vais bricoler histoire de ne pas être payée à rien faire quand même. Parlons en de la paie qui est intact alors que je ne travaillerai pas 18 heures, c'est impossible (pas suffisamment de disponibilités, ni de classe pour le soutien). Alors bien sûr je pourrais faire acte de présence 18 heures mais mon chef d'établissement pense gentiment et à juste titre que je n'ai pas passé le CAPES et je ne l'ai pas obtenu pour couvrir des livres au CDI.
Oui parce que j'ai mon CAPES depuis 2009 et j'ai même été plutôt bien classée. Mais depuis 2009, je me demande exactement comme "prof de cefran" ce que j'ai fait pour mériter ça. Pourquoi alors qu'à chaque fois que j'ai eu des classes à l'année, ça s'est bien passé, pourquoi donc en suis je toujours au point de départ. Et plus les années passent et plus je déprime car en plus je sais que ma situation n'est pas prête de changer. Et pourtant, pourtant, j'ai un enfant, un conjoint. Oui mais voilà, après ma première année, passée à 150km de mon conjoint, nous avons décidé que nous ne pouvions pas vivre une année de plus comme cela à passer la moitié du week end sur la route, à vivre dans un gîte comme une étudiante, à pleurer comme une madeleine tous les dimanches soirs, à me sentir seule, loin de tout et de tout le monde. Alors et ce bien qu'il n'ait pas fini ses études, il m'a rejoint a trouvé du travail et nous avons ré emménagé ensemble. Et puis nous avons décidé d'avoir un enfant, sans doute aucune de ces décisions n'étaient sages, mais je n'ai jamais souhaiter sacrifier ma vie de famille au profit de mon travail (j'avais même beaucoup choisi mon métier car je savais qu'il me permettrait d'avoir une vie de famille épanouie et de pouvoir m'occuper de mes enfants). Voilà donc comment je me retrouve dans une région désespérante (taux de chômage énorme, pauvreté intellectuelle et matérielle...) sans aucun point pour pouvoir espérer obtenir un poste fixe ailleurs ou même changer de zone de remplacement.
Là où je ne peux pas accepter ma situation c'est que mon conjoint a trouvé du travail de nuit et que nous n'embauchons donc pas de nourrice pour notre enfant puisqu'il est présent la journée. L'année dernière, cette méthode a très bien fonctionné car j'avais un remplacement à l'année et j'ai pu arranger mon emploi du temps (mon conjoint rentre à 8h15 le matin et part à 17h le soir). Mais cette année ma boule au ventre ne me quitte plus car :
N'ayant aucune nouvelle de mon affectation le 31 août, nous n'avons pas pris de nourrice (ce qui semble logique n'est ce pas? Qu'est ce qu'on lui aurait donné comme horaire? )
Mais s'il arrive que je remplace quelqu'un avec un emploi du temps peu arrangeant pour moi (commençant tous les jours à 8h par exemple), qu'est ce que je fais?
Jamais je ne trouverais quelqu'un qui acceptera de garder mon fils 30 minutes le matin, pour une durée très limitée.
Les membres de notre famille les plus proches habitent à 1h30 dons impossible de leur demander de venir.
Voilà, je me couche donc en me demandant ce qu'il se passera le lendemain. Je me sens inutile et indésirable, je culpabilise.
Et comble du comble, je ne comprends pas le choix de mon établissement de rattachement car j'habite à 30 minutes en voiture alors qu'il existe un établissement qui est à 5 minutes donc quitte à venir faire la potiche, j'aurais préféré ne pas avoir à faire des kilomètres inutiles qui engendrent des frais qui ne seront jamais remboursés et qui sont totalement inutiles.
Voilà ma situation chaotique de l'année et qui malheureusement n'est pas prête de changer ! Merci donc à l'Education Nationale qui m'a quelque peu dégoûtée d'une profession qui était pourtant pour moi une vocation !